Hai’zan parla au guerrier qui acquiesça et quitta son poste de guet, l’espingole au poing.
Verti jeta un dernier coup d’œil inquiet à la pièce et au moine mort, réfléchissant aux risques de contagions. Avaient-il été contaminés ? Tout en empruntant l’échelle, il tenta de s’ausculter mentalement. Sa bouche était sèche, les muscles de sa mâchoire très tendus et son pouls battait plutôt vite. Mais ces symptômes avaient été déclenchés par sa peur, non ? Ces amis souffraient-ils des même maux ? Il se toucha le front. Moite, mais pas fiévreux. Il respira profondément. C’était ridicule. Ils n’étaient arrivés ici qu’une demi-heure plus tôt environ. Aucun agent infectieux ne se déclarait après une période d’incubation aussi courte. Aucune maladie connue en tout cas…
Ils traversèrent le temple principal au pas de course. La lumière du jour semblait aveuglante dans l’encadrement de la porte.
Le guerrier troll examina la cour pendant une bonne minute avant de décider qu’il n’y avait rien à craindre. Il leur fit signe de le suivre. Ils obéirent, scrutant le moindre recoin à la recherche de mouvements brusques. Le calme paraissait revenu.
Mais ne dura pas très longtemps…
Une seconde déflagration s’éleva du bâtiment situé juste en face d’eux. Le souffle projeta le groupe à terre.
Des gerbes de flammes et de bouts de tuiles s’envolaient vers le ciel. Des boules de feu jaillissaient de fenêtres aux volets explosés et de la porte qui s’était volatilisée. La chaleur les enveloppa comme si un four venait de s’ouvrir.
Le guerrier, quelques pas devant eux, gisait sur le dos. Il tenait encore son arme, qu’il avait visiblement rattrapée de justesse par la lanière, et tentait de se protéger tant bien que mal tandis qu’une pluie de débris enflammés lui tombait dessus.
Au bout de quelques secondes, il se releva, visiblement sonné.
Et signa sa perte.
Un coup de feu retentit, très sec au milieu du fracas des tuiles s’écrasant par terre et du rugissement des flammes. La partie supérieure de la tête du troll éclata dans un geyser de sang.
- A couvert ! Hurla Hai’zan..
Ils se mirent à ramper à reculons vers le temple. Une autre détonation résonna. Le sol rocheux de la cour éclata. Tout prêt d’eux. Comme un seul homme, ils plongèrent dans l’entrée, roulant dans la pénombre.
Enfin à l’abri, à côté de la porte, ils reprirent leurs souffles, et s’observèrent les uns les autres, à la recherche de trace de blessures. Rien. Fort heureusement.
Les yeux écarquillés, Nalicia fouillait frénétiquement les toits, les fenêtres. Qui avait tué le guerrier troll !
C’est alors qu’elle les vit.
Des ombres qui couraient dans la fumée vomie par le bâtiment incendié. Elle surprit le reflet des flammes sur du métal. Des armures. Les tueurs commençaient à encercler le temple.
- Regardez, dit-elle au reste du groupe, se ne sont pas des moines.
Les autres aperçurent également les mouvements dans la pénombre de la fumée. Des silhouettes mouvantes, ce couvrant mutuellement. Pas du travail d’amateur. Mais combien étaient-ils exactement, et de qui s’agissaient-ils ?
- Nous allons pouvoir les affronter, continua la voleuse, une étincelle d’excitation dans les yeux. Enfin un peu d’action ! Les lames de ses dagues brillaient déjà entre ses mains.
- Non ! Verti avait parlé d’une voix autoritaire ne laissant aucune place pour la contestation. Nous n’affronterons personne. Nous ne savons pas qui ils sont, ni combien ils sont. Ce ne sont apparemment pas des rigolos. Ils semblent supérieurs en nombre, et possèdent semblerait-il du matériel haut de gamme. Hors de question que je perde un seul membre de ma guilde dans une histoire qui ne devrait même pas nous concerner.
- Nous n’allons quand même pas resté terrer ici comme des rats. Nous avons affronté Onyxia, Nefarian, Gruul, et d’autres créatures bien plus terrifiantes que quelques pantins en armures. Nous n’avons jamais fuit devant le danger.
- Il ne s’agit pas de fuir, intervint Thobrak, mais de sortir d’ici vivant pour pouvoir donner l’alerte. Quand va-tu te mettre ça dans le crâne ! Il y a plus à risquer dans ce monastère que nos propres vies.
- Il a raison. Les paroles émanaient de Sstevee. Mort nous ne servirons à rien.
A contre cœur, Nalicia rangea ses dagues. La frustration se lisait sur son visage. Le petit groupe recula dans les profondeurs du temple principal, sans quitter le seuil du regard. L’heure de la retraite avait sonné.
Ils s’engouffrèrent dans le couloir, passant devant le corps ensanglanté de Zansoa, et pénétrèrent dans le corridor. Nalicia fermait la marche, ruminant encore sa déception. Soudain, une forme se matérialisa derrière elle. Un bras nu se noua autour de sa gorge. Une voix rauque aboya tout prêt de son oreille.
- Ne bougez plus !
Malheureusement pour son agresseur, ce dernier n’était pas tombé sur la bonne cliente. La voleuse expédia son coude dans le flanc de son assaillant.
Un « ouf ! » assez agréable à entendre retentit, et le bras qui la retenait retomba. L’homme tituba en arrière, s’emmêlant dans l’épais rideau de velours et l’arrachant sous son poids. Puis il s’effondra.
Nalicia pivota sur elle-même la lame de son arme prête à s’abattre en une danse de mort imparable.
- Attendez ! Hurla Hai’zan. Il nous le faut vivant.
Le reste du groupe pivota sur lui-même et s’approcha du corps allongé par terre.
Un humain !
L’homme ne portait qu’un pagne. Sa peau était très bronzée mais labourée ici et la d’anciennes cicatrices. De longs cheveux noirs, très raides, masquaient son visage. Sa taille, sa musculature et ses larges épaules le faisaient davantage ressembler à un guerrier qu’à un moine.
Avec un gémissement, il leva vers le groupe ses yeux très bleus.
- Qui êtes-vous ? Demanda Verti sur le ton de la haine.
- Je suis Lagnus Foudrecoeur. Grand commandeur de la Lame d’Ebène.
Ils se retournèrent vers Hai’zan. Ils venaient enfin de comprendre.